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Pierre-Yves TESTENOIRE

Lorsque le Cours de linguistique générale rencontre les anagrammes : 1960-1980

Cette communication a pour but d'étudier ce moment spécifique de la réception saussurienne où la lecture du Cours de linguistique générale rencontre celle des anagrammes. La période considérée ira du début des années 60 (1964, plus exactement, qui voit la publication du premier article de Starobinski sur la question et l'édition des lettres de Saussure à Meillet par Benveniste) au début des années 80 où l'intérêt pour les anagrammes semble s'émousser et le nombre de publications qui leur sont consacrées décroître. L'objectif est d'analyser comment la découverte du travail anagrammatique de Saussure s'articule avec la lecture du CLG opérée jusque là. On se fondera pour cela sur les écrits des principaux acteurs de la première réception des anagrammes: Starobinski, Jakobson, Wunderli, Lacan, Barthes, Kristeva et le groupe de Tel Quel, celui de Change...

Un premier questionnement portera sur les modalités de mise en relation du travail sur les anagrammes avec l'enseignement du CLG. Si la thèse de l'hétérogénéité des deux démarches semble alors dominer – symbolisée par la figure des « deux Saussure » dont on retracera la genèse et le développement –, les nuances au sein de ce modèle méritent d'être cartographiées. L'écart entre le CLG et les anagrammes est évalué tantôt en termes d'ignorance mutuelle, tantôt en termes de contradiction (mais pas toujours sur les mêmes points), tantôt en termes dialectiques. On s'intéressera aussi aux efforts, marginaux mais notables, de certains chercheurs (Wunderli, Engler, Ronat) pour développer, selon l'expression de Mitsou Ronat, « une lecture des anagrammes par la théorie saussurienne », c'est-à-dire principalement par le CLG.

Un second questionnement portera sur les concepts du CLG qui sont déplacés par la prise en compte des anagrammes. Lesquels sont mobilisés et lesquels ne le sont pas ? Le débat sur la linéarité du signifiant suscité par la découverte des anagrammes est connu, mais la lecture des anagrammes des années 60 et 70 implique aussi de nouvelles discussions sur la définition saussurienne du signe (Jakobson estime par exemple qu'avec les anagrammes « les signifiants font dédoubler leur signifiés » quand Adam parle à leur sujet de « subversion du signifié par le signifiant ») ou sur le sujet. L'objet de cette communication est donc, pour reprendre les termes marxistes et kuhniens de l'époque, d'observer ce que la seconde révolution saussurienne a fait à la première.